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Le 11 janvier 2016, le Président de la République, François Hollande, a présenté ses vœux à la Jeunesse et aux forces de l’engagement. Pêle-mêle furent abordés le Service Civique, la Journée Défense et Citoyenneté et un hypothétique parcours citoyen. Tableau d’un discours de vœux peu banal.
La Jeunesse, priorité du quinquennat ?
Le Président de la République a annoncé qu’il avait « fait de la jeunesse la priorité de [son] quinquennat ». Le principal argument avancé par le F. Hollande pour justifier une telle affirmation est d’avoir « fait du budget de l’Education nationale le premier de l’Etat ». En l’occurrence, il s’avère que l’enseignement scolaire a toujours été le premier budget de l’Etat, et ce depuis des décennies. En 2000, il représentait 21,7 % du budget de l’Etat[1] alors qu’il ne constituait en 2015 que 17 % du budget total[2]. Et ce n’est pas en supprimant les bourses au mérite comme le souhaite le gouvernement que la situation changera.
Ensuite, le Président s’enorgueillit d’avoir mis en place et « multiplié les emplois d’avenir« . Il s’agit donc de contrats aidés qui ne font que déplacer le problème dans le temps. En effet, le coût d’opportunité de ces emplois est élevé, dans la mesure où les jeunes n’acquièrent pas l’expérience à laquelle ils pourraient prétendre dans des emplois habituels, et, de surcroît, ils ne peuvent pas profiter de formations qualifiantes durant leur contrat, bien plus efficaces. Si ce n’est remettre le problème à plus tard et donner l’illusion que le chômage des jeunes diminue de 150 000 individus, les contrats d’avenir ne sont d’aucune utilité.
Un engagement obligatoire perd son essence
Deux annonces sont par ailleurs relativement inquiétantes. La première porte sur le Service Civique. D’abord, commençons par souligner que l’engagement des jeunes est bel et bien fort en France, vu que la demande excède l’offre en termes de services civiques. Cependant, il convient de s’arrêter un instant sur le fond et les conséquences socio-économiques d’une généralisation à une classe d’âge d’un tel dispositif. Pour autant, Génération précaire démontre, sans surprise, que le Service Civique crée des inégalités et de la précarité, voire même du chômage ! Sa généralisation doit donc être questionnée.
Par ailleurs, nous assistons à une instrumentalisation de l’engagement, puisque le « livret citoyen » revient à faire valider des engagements aux jeunes jusqu’à leurs 25 ans. En effet, le Président demande que « la réalisation d’un certain nombre d’heures d’engagement citoyen qui vaudront Service Civique » soit rendue obligatoire. Cette annonce appelle à une double critique. D’une part, elle crée un caractère obligatoire qui vide l’engagement associatif et citoyen de tout son sens. L’ensemble des engagements, quels qu’ils soient, politiques, syndicaux, associatifs, entrepreneuriaux, citoyens, sociaux, formels ou non, reposent sur le strict volontariat. Si l’engagement se définit désormais tel une étape obligatoire, il ne mérite pas son nom. D’autre part, l’engagement n’est pas un devoir, pas davantage que le droit de vote. C’est donc la violation du concept fondamental de liberté qui est ici annoncée. Au contraire, il faut encourager, faire des citoyens des individus éclairés et capables, d’eux-mêmes, de s’engager dans les causes qui les intéressent, tel est le rôle de l’Etat, et non de contraindre à l’engagement.
Un décalage inquiétant avec la réalité
L’exécutif souhaite maladroitement faire de la Jeunesse une actrice forte de la société, qui s’engage et qui, dans quelques années, rejoindra les rangs des décideurs. Que l’on commence donc par réellement faire confiance aux jeunes, en soutenant leurs initiatives. Observons toutes ces entreprises fondées par des jeunes qui manquent de soutien et de financements. Les jeunes sont pour beaucoup des entrepreneurs dans l’âme. Laissons-leur la chance de s’exprimer, et autrement que par un dispositif PEPITE sélectif et peu adapté aux projets en maturation.
Acceptons également de voir la réalité en face, le chômage des jeunes ne pourra décroître que lorsqu’enfin nous oserons réaliser une vraie réforme de notre système éducatif. Cessons de bercer d’illusions nos lycéens, à qui l’on veut faire croire que l’université est faite pour tous, et que seule la voie générale fait sens. Nous avons mal démocratisé notre enseignement secondaire et supérieur, en méprisant les voies professionnelles et l’apprentissage, dont les crédits avaient été diminués au début du quinquennat.
Soyons davantage à l’écoute des jeunes. Dans ce cas, notre exécutif constaterait qu’il n’est pas nécessaire de rendre obligatoire l’engagement, puisqu’en réalité il se veut répandu. Il ne correspond simplement par aux standards imposés par une minorité orthodoxe qui tient au triptyque parti politique – syndicat – association pour définir l’engagement. Ce sont des jeunes engagés qui sont dans les coulisses, simplement stoppés dans leur ascension par la pyramide de verre, que j’ai déjà conceptualisée dans ces colonnes. A quand une évolution des mentalités ?
[1] http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/archives/2000/budget2000/budget2000.htm
[2] http://www.economie.gouv.fr/facileco/comptes-publics/budget-etat